Avec sa critique distinguée par le jury du Festival La Rochelle Cinéma (FEMA), Nicolas Dargelos-Descoubes remporte une invitation au Festival du nouveau cinéma de Montréal. Il pourra participer à la 51ème édition du Festival montréalais du 5 au 16 octobre 2022 avec le soutien financier et logistique de l’OFQJ.

Le Festival La Rochelle Cinéma se déroulait du 1er au 10 juillet 2022. En partenariat avec l’OFQJ (Office Franco-Québécois pour la Jeunesse), le Festival La Rochelle Cinéma et le Festival du nouveau cinéma de Montréal organisaient un concours de critiques autour des films québécois programmés durant la 50e édition du Fema.

Premier prix – Un été comme ça, vu par Nicolas Dargelos-Descoubez

Un visage. Un autre visage. Encore un visage, seul, isolé. C’est ce que montrent les premières minutes d’Un été comme ça, un groupe qui ne fait pas communauté, une coprésence sans échange entre ces trois patientes et leurs deux accompagnants. Refusant le champ contre-champ et prenant garde à toujours nous montrer chaque personnage absolument seul dans chaque plan, Denis Côté met brillamment en scène les limites de la communication orale et nous pose la question : comment parler aux autres quand on a déjà du mal à se parler à soi-même ?

Les trois femmes que l’on suit durant cette retraite se sont chacune construite une solide barrière verbale autour de leurs pratiques sexuelles considérées comme déviantes et nocives pour leur santé mentale et physique. Jouant de descriptions crues et n’hésitant pas inonder leurs interlocuteurs de détails salaces sur leurs fantasmes, ces trois patientes persuadent les autres autant qu’elles se persuadent elles-mêmes que ces pratiques sont le résultat de leur volonté, de leur propre plaisir à elles, et qu’elles sont en paix avec celles-ci. Toutefois, au fil du récit, le malaise profond de ces jeunes femmes refait discrètement surface, au-delà des mots. Alors qu’elle ne semble pouvoir s’exprimer que par des mots crus empêchant tout échange serein avec Sami ou Octavia, c’est au son des Arabesques de Debussy qu’Eugénie réalise de puissants dessins qui extériorisent calmement la violence de ses pulsions. De même, ce n’est qu’en jouant du piano, ou enveloppée par la musique que met Sami que Léonie parvient à revenir de manière apaisée sur la violence de son passé et des expériences sexuelles qu’elle a pu subir. Enfin, Geisha ne semble parvenir à se retrouver et à se canaliser que dans des moments apparemment insignifiants mais remplis d’un bonheur pur au sens épicurien, comme une balade en barque ou des conseils sur le pelage d’un kiwi, l’éloignant de sa soumission à ses pulsions pour la rapprocher d’une forme d’ataraxie.

Ce que Denis Côté nous montre finalement c’est une libération de ces femmes par-delà la parole. Loin de montrer une transformation de ces personnages (ce qui ne serait pas souhaitable puisque, comme le rappelle régulièrement Geisha, elles aiment le sexe et puis c’est tout), il s’agit de montrer comment reconstruire la communication avec les autres permet in fine de parler avec son soi profond, et de découvrir pour ces femmes qu’elles sont bien plus que le « j’aime le cul donc je suis » que leurs expériences traumatiques passées leur ont fait intérioriser.

Le réalisateur joue durant le film de la dissonance entre des scènes très apaisées filmées par une caméra fixe et bercées par Debussy, et des séquences violentes et dérangeantes pour le spectateur, seulement rythmées par des cris de plaisir plus ou moins associés à une forme de douleur, et des allusions provocatrices. Toutefois, à la fin, la paix est retrouvée alors que les trois patientes retrouvent leur vrai visage une fois leur masque (symbolisé par un masque pour la peau) tombé. Tout le monde ne sort pas pleinement gagnant de cette retraite, Octavia, Diane et Sami étant montrés isolés une fois les patientes parties, comme si elles étaient le seul lien entre eux. Pourtant, le temps d’une photo, on voit des visages. Des visages unis et souriants. Des visages d’une famille nouvelle investissant ses membres d’une force nouvelle, leur force à elles, désormais prêtes à sauter ensemble dans le grand lac qui leur fait face.

Le Festival La Rochelle Cinéma 

Depuis 1973, le Festival La Rochelle Cinéma (Fema) est une grande fête du cinéma, ayant lieu au début de l’été, avec un public nombreux et fidèle, et une programmation éclectique de films d’hier et d’aujourd’hui venus du monde entier.  
Des expositions en lien avec la programmation (rétrospectives, hommages, nuits blanches) sont également mises en place en collaboration avec les lieux culturels de La Rochelle. 

Parallèlement au Festival, le Fema La Rochelle élargit toute l’année le champ de ses missions : activités pédagogiques à destination de tous les publics, accompagnement d’artistes, résidences de réalisations de courts métrages, coproduction de films. 

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